Le réveil des amoureux qui en appellent à l’aide !

Voici les réactions de Paul LAURANT fin mars 2004 suite à une entrevue que nous lui avions sollicitée à Marcourt.

Le soir même, il nous écrivait cette lettre.

Paul LAURANT, le 27/03/2004.

Le réveil des amoureux qui en appellent à l’aide !

Aux premières heures du printemps, et comme pour s’épauler l’un l’autre, deux véritables passionnés font une tournée « électorale » en ce dimanche matin. Ils se sont décidés à rendre visite à des partenaires qui apporteront dans la balance un peu de leur poids pour faire pencher la réflexion en faveur de l’attelage. Ils n’ont rien à vendre. Rien que des convictions à partager.

L’ardennais.

Un étant Forestier, l’autre Maréchal-ferrant, ils possèdent en commun la passion de l’Ardennais.

Emouvante démarche.

 C’est émouvant de les entendre développer avec ardeur et passion des idées qui germent dans leur tête depuis longtemps, et qu’ils sentent propice d’exposer aujourd’hui.

En réalité, ils veulent être les porte-voix de tous ceux qui comme eux redoutent que l’inaction et l’indolence conduisent nos bons chevaux Ardennais dans cette voie sans issue qu’est l’apathie. Ils se sentent esseulés devant cette lourde tâche qu’est le sauvetage d’une race en danger tout en dénonçant le détachement des structures officielles.

Le Maréchal-ferrant.

Eddy DEPREZ, le maréchal-ferrant, a non seulement fouillé dans les tréfonds de sa jeune mémoire mais aussi dans ses archives. Et résolument il sort de sa poche quelques pièces authentiques et rares : d’anciennes photos vieilles d’un siècle où l’on voit des équipages ruraux saisis sur le vif ou bien posant pour la postérité, dans différents villages de la vallée de la Semois. Il s’attarde à montrer la superbe jument de son grand-père : on en est tellement fier, que toute la famille a posé avec elle devant l’objectif. Regardez ses lignes harmonieuses et ses membres bien secs. 1942 ! Ah si on pouvait espérer retrouver un tel modèle, s’interroge t’il ?

Mais la réalité lui apparaît tout autre : son métier l’amène à manipuler beaucoup de chevaux dont la plupart méritent beaucoup de soins dans la pureté des membres comme dans la netteté des tendons ou la solidité de la corne du pied. Mais il s’est fixé une règle de conduite dans la manière de ferrer, règle qu’il tient du vieux maître de Sainte-Cécile : ne jamais forcer la nature, régler la largeur du fer sur la largeur naturelle du pied, fournir des « chaussures » de travail et non des mocassins de parade dominicale.

Trompe-l’œil ou Vérité ?

Voici que se révèlent des pratiques opposables en matière de ferrure : la méthode « trompe-l’œil » pour les défilés de mode et la méthode « Vérité » destinée aux classes laborieuses. La seconde peut corriger des défauts ; la première les dissimule. Et d’ajouter que pour une sélection des géniteurs, c’est la rigueur qui devrait s’imposer : la « trompe-l’œil » n’est qu’une pratique pour gens non avisés.

Il possède 5 chevaux desquels il n’est pas peu fier, dont un « Arattel » (croisement arabe X ardennais). Mais sa profonde conviction est que la Race Ardennaise retrouvera plus vite ses valeurs d’antan par la méthode de sélection en allant choisir là où ils se trouvent quelques bons reproducteurs. Et de citer la Suède, la Tchéquie, la Pologne, la Hongrie…

Sans doute est-ce la voix des sages, mais comme il y a urgence la combinaison des deux méthodes, croisement ou sélection, serait certainement du plus heureux effet.

Le Forestier.

Resté silencieux tout un temps entendant les propos passionnés de son compagnon de voyage, il se révèle enfin comme le « Monsieur Attelage » de la province de Luxembourg. Il a endossé plusieurs responsabilités qu’il assume avec nuance, discrétion, compétence et conviction.

Dans la forêt, il appuie sa certitude d’un retour de l’Ardennais aux allures d’antan en constatant que se sont les tâches délicates qui lui seront dorénavant confiées en forêt. Là où il restera irremplaçable dans la compétition cheval/machine : les terrains humides et trop pentus.

Et donc, il n’y a pas incompatibilité entre politique professionnelle et reconversion pour les loisirs.

La raison face à la passion.

Patrick BERT est un homme méthodique : si les passionnés et convaincus de la nécessité d’un renouveau se rassemblent, il est tout aussi nécessaire qu’ils sachent se faire entendre. Il y a tant de choses à dire. Tant d’anciennes bonnes pratiques à réhabiliter. Une flamme si ardente à lever à bout de bras.

Voici donc que se dessine sa visée : rassembler les gens qui ont des choses à dire ou propos solides à partager. Des voix s’élèvent un peu partout. Et quelques écueils connus doivent être évités. Puis tout mettre en œuvre pour que le plus grand nombre en profite. Il manque cette adéquation entre les producteurs et les utilisateurs que les dirigeants de la race ne parviennent pas à résoudre. Il désire se positionner en « fer de lance » car l’expérience qu’il acquiert de l’épineuse question qui sépare les classiques et les modernes ne repose que sur de la passion. Il veut y apporter la raison.

Paul LAURANT.