Mener un attelage à partir du siège de droite.

Comment expliquer la conduite à partir du siège de droite sur nos voitures d’attelage ?

Le débat est bien antérieur à l’automobile, en réalité. Il date du temps où les longs déplacements se faisaient en attelages.

Une histoire de bras fort et de fossé…

Certains pensent que cette manière de conduire un attelage viendrait des militaires et de « la prolonge de manœuvre » avec son « affut de canon ». La conduite d’un tel attelage se faisait par deux cavaliers assis en selle sur les chevaux de gauche. La prolonge de manœuvre n’avait en effet pas de siège.

Les cavaliers possédaient le plus souvent un sabre à la hanche gauche, facile à dégainer avec la main droite, leur main forte. S’ils avaient monté le cheval de droite, leur sabre gênerait leurs manœuvres… Inadmissible pour un militaire !

Sur le continent.

En France et sur le continent, les attelages de poste ou d’élégance des bourgeois, les seuls à faire à l’époque de longs périples, ont adopté cette manière d’atteler, appelée «  à la D’aumont » à quatre ou même à six chevaux. C’est-à-dire sans cocher et donc sans siège de cocher. Mais un ou plusieurs « postillons » montaient en selle sur les chevaux de gauche.

Suspension des véhicules hippomobiles — Wikipédia
Attelage à la d’Aumont

Les postillons préféraient être à gauche pour garder le cheval qu’ils ne montaient pas sous leur bras le plus fort, le bras droit d’ordinaire. Le souci principal de ces postillons était de ne pas verser dans le fossé.

En effet, à cette époque, les routes n’étaient pas très larges et très peu entretenues. Pour conserver le chemin le plus sec possible, on y creusait de part et d’autre un fossé profond.

Afin de ne pas être écrasé entre le bas côté et les chevaux, il était donc nécessaire de rouler à vue. Tantôt au centre de la voirie quand il n’y avait personne, tantôt sur le côté droit de la chaussée lors des croisements de charrois ce qui facilitait la précision.

Ce sont traditionnellement des grands ducs, des victorias, des calèches et des landaus qui étaient employés ainsi avec postillons. De même, dans la poste à cheval, que les Chinois ont inventée déjà au troisième siècle.

En Angleterre.

Par contre, en Angleterre, on conduisait majoritairement des attelages à un cheval ou poney, à partir d’un siège placé à droite et avec des guides depuis la fin dix-huitième siècle.

Pour éviter le fossé, en tirant sur leur bras le plus fort (usuellement le droit ), le meneur faisait obliquer ses montures vers le centre de la voirie ou le côté droit, et préférait donc rouler à gauche de la voirie. Le meneur étant assis à droite de la voiture pouvait régler avec précision le croisement d’attelage.

Ainsi, le milieu de la route était sur sa droite. Il cherchait à s’éloigner du fossé gauche. Voilà pourquoi il était aussi assis à droite sur la voiture afin de ne pas être écrasé entre le fossé et la voiture s’il venait à basculer dans le fossé gauche. Et de même, quand il ajustait les guides lors du croisement de deux voitures, opération parfois bien périlleuse, il serrait sa gauche au maximum sans tomber dans le fossé…

Et l’attelage moderne ?

Le monde des traditions équestres ne nous facilite pas vraiment la vie des meneurs modernes que nous sommes. Nous avons hérité de la mode anglaise de la conduite des chevaux. En effet, comme le cocher anglais, le siège de meneur nous accueille à la droite de la voiture. Et nous menons maintenant en guides.

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Le cocher d’une malle poste.

Cependant, nous roulons sur le continent toujours sur la partie droite de la chaussée comme à la D’aumont, donc près du dangereux fossé . Notre bras fort n’a pas changé. C’est toujours bien le droit.

Sa puissance pourrait nous entraîner vers la droite…donc vers le fossé situé à notre droite…si nous n’y prenons garde… De plus,nous avons adopté la méthode Achenbach dans la tenue des guides de notre seule main gauche…

Roeser 2006

De là peut-être le nombre d’accident d’attelage plus important sur le continent qu’en Angleterre ?

Afin de contrer cette position qui pourrait paraître scabreuse (rouler à droite et tenir les guides dans la main gauche), il convient au meneur « continental » de toujours garder en main droite le fouet pour contrôler, à la vitesse de l’éclair, ses chevaux . Il évitera en coordonnant l’effet du poignet sur les guides et une petite « attaque » de fouet sur le cheval de droite, une fois un rétroviseur ou tantôt une clôture ou un trottoir. Ou en sollicitant l’impulsion du cheval de gauche, il évitera le face à face avec un véhicule venant en sens inverse…

Roeser 2006.

Ce n’est pas pour rien que les automobiles ont, sur le continent, le volant de leur voiture à gauche et chez la « perfide Albion » sur la droite… question surtout aujourd’hui d’une meilleure vision en se croisant…et en évitant le fossé, mais ce dernier a souvent disparu et la voirie s’est heureusement élargie…mais pas partout…

Ah les traditions… Nous y sommes tellement attachés sans toujours savoir pourquoi…mais la sécurité reste donc le maître-mot en attelage. Et cela s’apprend… mais un rappel n’est jamais superflu.

Patrick BERT