Saumur, école – Histoire et histoires.

Naissance de l’Ecole Royale de Cavalerie.

En 1763, Louis XV réorganise la cavalerie française par l’intermédiaire du duc de Choiseul, lui-même piètre cavalier, qui veut créer cinq écoles à Douai, Metz, Besançon, Cambrai et une brigade du Royal Carabinier à Angers. L’évêque d’Angers voyant d’un mauvais œil l’arrivée de ces carabiniers coureurs de jupon, s’arrange pour les expédier à Saumur, pensant pénaliser ainsi cette ville longtemps protestante. Deux brigades du régiment des carabiniers du comte de Provence s’installent donc à Saumur, logeant d’abord chez l’habitant ou dans des hôtels.

La construction sur place de cette école de cavalerie exemplaire, destinée à instruire les meilleurs officiers et sous-officiers instructeurs est décidée par Choiseul.  Le manège couvert est érigé par l’ingénieur Louis Alexandre de Cessart en 1764-1765 et détruit dans les années 1860, il était situé à l’emplacement de l’actuel manège des écuyers.

La caserne des Carabiniers.

Un premier projet architectural très ambitieux, la « Caserne des Carabiniers » ayant été prévue sur les premiers plans pour héberger l’ensemble des cinq brigades du corps des carabiniers, soit 1786 hommes et 1200 chevaux, ayant été considéré comme trop cher, un second projet le remplace en 1765 pour n’héberger que les deux brigades de carabiniers présentes à Saumur ainsi que l’état-major du corps et l’école régimentaire, les autres devant être logés à Angers, Chinon et La Flèche. Jugé toujours trop ambitieux et incohérent, il est remplacé par un troisième projet lui-même soumis à des idées de dernières minutes. Construite de 1768 à 1770 par Lecreulx, cette caserne suit un plan en H strict orienté en direction de la Loire.

L’écurie de cent chevaux.

L’ « Ecurie de cent chevaux » fut la première bâtie sur le site par François Michel Lecreulx et achevée en août 1766. Érigée à l’est de la carrière accolée au manège, c’est un long bâtiment divisé en dix compartiments de huit stalles (bien que le devis initial en prévoyait dix). Un étage divisé de la même façon abrite des greniers pour le fourrage. Cette écurie est détruite dans la seconde moitié du XIXe siècle.

L’écurie de la Moskova.

Parallèlement à la construction de la première écurie, Lecreulx entreprend la construction d’une seconde écurie « L’écurie de la Moskova » permettant d’abriter 240 chevaux, dont la construction a été datée à 1767-1768. Il s’agit d’un bâtiment rectangulaire formant un pendant au manège Cessart.

Cette école, gérée et encadrée par le « corps royal des carabiniers », y accueille les officiers de tous les régiments de cavalerie. Dès 1771, elle devient le seul centre d’instruction des cavaliers militaires de France, remplaçant les cinq écoles créées en 1763. Elle fonctionnera jusqu’en 1788.

Après la révolution.

Détruite à la Révolution, et finalement rétablie à la fin de l’an 1814 par Louis XVIII, qui crée à Saumur « l’École d’instruction des troupes à cheval », son activité va décroissant à partir de 1822. Cette école fut ensuite régénérée par Charles X sous le nom d’ « École royale de cavalerie » avec son célèbre « Manège des Ecuyers ».

Renommée à nouveau ultérieurement en « École impériale de cavalerie de Saumur » l’école elle-même est désormais composée d’un manège militaire et un manège d’académie.

Les « Ecuyers » présentent néanmoins le premier carrousel en 1828 devant la duchesse de Berry.

À partir de 1830, avec la disparition de l’ « École de Versailles », Saumur devient la seule école dépositaire de la tradition équestre française.

Déclin de Saumur.

À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, la cavalerie (principalement chargée de la reconnaissance) et les chars de combat fusionnent pour donner naissance à l’arme blindée et cavalerie (ABC). L’École de Saumur en devient le centre d’instruction. En 1972, l’ « École nationale d’équitation » se constitue autour du Cadre noir de Saumur. Le 1er août 2009 elle prend le nom de l’ « Ecole de cavalerie ».

https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89cole_de_cavalerie_de_Saumur  

Par ce lien, suivez les 9 noms successifs de l’école de Saumur à travers le temps (un peu d’égard pour ma mémoire vieillissante) et la liste des commandants de celle-ci.

Saumur a quitté Saumur.

Les murs de l’Ecole de Cavalerie au centre de Saumur abritent maintenant un régiment de blindés, bien triste reconversion…
Désormais, c’est sur les plateaux de Terre-fort que se trouve depuis 1972 le Cadre noir au sein de l’École nationale d’Équitation (E.N.E) établissement public sous la tutelle du ministère de la Jeunesse et des Sports en vue de la formation des cadres supérieurs de l’équitation sur près de 300 hectares dont le désormais célèbre grand manège de 80 m. sur 30 m. et la parterre de Verrie consacré aux concours d’attelage notamment.. L’E.N.E. a fusionné en 2010 avec les Haras nationaux pour former l’Institut français du cheval et de l’équitation (l’I.F.C.E.)  Saumur est désormais à 6 km.
Le Cadre noir a faillit passer à la trappe, jugé anachronique, inutile et trop couteux. Il ne dut son salut qu’à la vocation « diplomatique et promotionnelle » que l’Etat français lui attribua.

Saumur, le genre et le show.

Longtemps réservé aux hommes et aux militaires, l’école se compose maintenant de quelques femmes et de civils.
Outre la reprise des écuyers dans la pleine tradition, leurs représentations ressemblent de plus en plus maintenant à du show ou à de l’opéra…avec metteurs en scènes reconnus et publicités tapageuses sur la scène de Bercy ou autres lieux du show-biz.

Les anciens et les modernes.

Le général L’Hotte, le commandant Dutilh, le général Wattel, le général Decarpentry donnèrent en son temps au « Cadre noir » ses lettres de noblesse et ce tact équestre qu’on appelle « l’équitation à la française ».
Mais ce ne fut, en son sein, pas toujours un long fleuve tranquille…comme en témoigne la bataille des anciens et des modernes de l’équitation française, le comte d’Aure et François Baucher, qui passionneront la France entière et leurs dirigeants par l’entremise de la presse naissante, les « gazettes ».

Finalement ce combat des « chefs » en devint une affaire d’état avec à la clé la charge de l’école de Saumur et donc le monopole de l’enseignement dans la cavalerie par « sa » méthode.

Le fils bourgeois et le fils du boucher.

Le comte d’Aure faisait assurément partie de la noblesse. Et François Baucher était fils de boucher. L’amour du cheval les rassemblait, mais leurs équitations les séparaient.

D’Aure, grand cavalier d’extérieur, préconisait une monte naturelle avec éperons, impulsive. Ses moyens : la poigne, les jambes, et un « armement » pour mater les rétifs.

Baucher voulait mettre en avant l’équilibre, les flexions, la légèreté, la décontraction. (Maximes célèbres: « L’éperon est un rasoir dans la main d’un singe » ou « Main sans jambe et jambe sans main »).

Toutefois, chacun s’empressa de publier rapidement « sa » méthode. Et les « observations », (livrets écrits sur la méthode de son rival), allèrent bon train. La presse relayait scrupuleusement les points de vue de chacun. Tout le monde en parlait jusque dans les plus hautes sphères.

Le climat en devenait insurrectionnel…

Le jugement.

Le général Oudinot, ne sachant plus finalement quelle équitation appliquer dans la cavalerie française, fit appel à un jugement à la Salomon par l’entremise d’un cheval du nom de « Géricault » dont on ne comptait plus le nombre de cavaliers qu’il avait désarçonnés. Le défi était de monter ce cheval et de faire le tour du bois sans être désarçonné. Mais les prétendants furent tous, soit désarçonnés, soit éliminés pour irrégularités.

Pour finir, Baucher lui-même proposa alors sous les railleries adverses de présenter dans un manège 6 semaines plus tard le cheval et que celui-ci témoignerait de l’efficacité de sa méthode.

Le jour dit, devant un public très partisan, Baucher présenta « Géricault » au galop avec moult pirouettes, changements de pied et appuyers. Il sortit sous les acclamations de la foule.

Et le vainqueur est…l’équitation française.

En conclusion, l’équitation française avait eu de part le monde un énorme retentissement grâce au combat des 2 « écoles » et aussi grâce à la démonstration magistrale de Baucher, parfaitement relayée par la nouvelle presse. Nombreuses furent les « écoles d’équitation » qui plus tard s’en inspirèrent, comme à Vienne, en Italie ou au Portugal.

Et coquin de sort, ni l’un (le comte d’Aure), ni l’autre (François Baucher) ne fut finalement nommé au poste tant convoité de commandant du « Cadre Noir»…