Freddy SCHMITZ éleveur et meneur Ardennais.

Nous continuons nos interviews de personnalités marquantes de l’élevage du Cheval de Trait Ardennais. Aujourd’hui au tour de Freddy SCHMITZ.

Je l’appelle personnellement et amicalement le « maître de musique » car toute sa vie professionnelle a été consacrée à la musique. Et il semble sortir une certaine musicalité amicale dans son timbre de voix doux et ondulant.

L’élevage de Champs La Rivière

Un Gaumais, de souche Ardennaise !

Originaire de Châtillon, il y a vécu ses premières années. Il a deux filles et se verrait bientôt prépensionné.

Ses premiers contacts avec les chevaux datent de sa prime enfance. Il habitait à Châtillon en face d’un maréchal-ferrant et, très souvent, il traversait la rue pour voir le travail de la forge, mais surtout le ferrage des chevaux.

La seconde étape de sa vie l’amena à Etalle. Il commença l’initiation musicale au saxophone auprès de la « fanfare communale » encouragé et soutenu par ses parents musiciens. Sous l’impulsion maternelle, il est « aller sur les traces » de son grand père qui jouait du violon et de son père de l’accordéon. Il poursuivi son cursus à l’académie d’Arlon pour se diriger ensuite vers le conservatoire supérieur de Liège.

Sa musique fut…militaire !

Diplômé, il entra dans la vie professionnelle comme musicien militaire et enseignant. Comme saxophoniste, il commença à la Musique des Forces de l’intérieur, poursuivi à la Musique de la Force aérienne et enfin à la Musique de la Gendarmerie où il vécut de très belles années.

L’amour du cheval n’était jamais bien loin notamment lors des sorties régulières avec l’Escorte Royale et ses 120 chevaux ou avec le fabuleux Carrousel de la Gendarmerie… Des moments qui restent bel et bien gravé en mémoire !

L’enseignement.

Depuis 1996, il s’est dirigé vers l’enseignement du saxophone au Grand-Duché de Luxembourg ainsi qu’à la direction d’orchestres d’harmonies.

Sa carrière l’amène aujourd’hui à penser que la musique apporte à chaque enfant une ouverture d’esprit, de la persévérance et de la régularité bénéfique dans la poursuite de son parcours.

La mélodie secrète qui relie « musique » et « attelage ».

Pour lui, la relation entre musique et attelage est bien présente. Son expérience musicale lui permet de gérer son stress lors d’un concours à l’instar d’un stress en début de concert. Les notions de tempo et de concentration lui sont, par exemple, souvent utiles lors de reprise de dressage. La respiration abdominale est d’ailleurs une notion très importante en musique qui est de plus en plus évoquée dans les formations de meneur.

La passion des chevaux se réveille…

Il vit à Champs (commune de Bertogne) dans la rue au nom en mémoire de son grand-père : « la rue du violoneux ».

« Il n’y avait pas de chevaux à la maison. Mon père m’avait suggéré un jour d’acheter deux juments Ardennaises pour ensuite vendre les poulains et se faire ainsi un petit extra. L’élevage de chevaux rustiques n’est pas exigeant et le poulinage est facile, me disait-il « .

« J’ai donc acheté ma première jument chez Roger Lassence à Jenneville et une autre chez Remy Roose d’Harsin. Mais cette improvisation au métier de maquignon-éleveur ne s’est pas révélée porteuse ».

Il s’est alors dirigé vers une jument de selle pour la promenade. Celle-ci était gentille, mais elle était effarouchée par tout ce qui était blanc. En lui tenant tête, elle se calmait.

L’élevage de Champs la Rivière débute.

« Les chevaux étaient entrés dans ma vie» dit-il.

« Les juments “Lisette de Jemeppe”, que j’avais acheté à Remy Roose, et ensuite “Somme du Monty”, dont l’une des filles est la base de mes chevaux Arattels ont lancé mon élevage ».

« Au début de l’élevage, j’ai eu recours à divers  étalons extérieurs notamment  Apollon de Peppange, Yen d’Ave, Uranus des Corneilles d’Alphonse Gillis de Coustemont. Un vrai passionné de l’Ardennais, qui n’hésitait pas à venir très tôt le matin pour perpétuer la race avec ses étalons ».

« Vint ensuite l’étalon “Noble du Monty”, F1 arabe. Noble avait alors 16 ans et provenait de chez Jean-Marie Goosse du village à coté à Mande-Saint-Etienne. Cet étalon a été à la base de mon élevage Arattel et a d’ailleurs terminé sa vie ici à Champs à un âge très respectable. Gaïsha et Kaméllia, avec qui j’ai a été champion de Belgique, font partie de sa descendance directe… »

« Aujourd’hui, c’est mon étalon Lorient de Champs la Rivière, fils de Tibet, doté d’un très bon mental, qui est admis à la monte. Ses premiers produits seront mis à l’attelage cette année et cela semble très prometteur… »

Freddy a également un étalon ardennais alezan crins lavés admis à la monte : Origan de Champs, fils de Walky du Monty.

Début en attelage.

Il a découvert l’attelage avec Michel Magnette, une vieille connaissance gaumaise de la famille. Il raconte : « J’ai été, un jour, invité par Michel, pour l’accompagner lors une balade attelée de plusieurs jours en France qui fut un véritable baptême du feu !!! Cela m’a donné un véritable déclic… »

Il a alors commencé sa formation avec Bernard Ridelle à Marche-en-Famenne, où il a notamment été écolé par le regretté juge LEWB Didier Wins. Il a acheté à Bernard Ridelle « Laguarda » (hongre F2 arabe), cheval très courageux et sans aucun problème de constitution : « il n’a jamais vu le vétérinaire, sauf pour ses vaccinations, et il ne m’a jamais déçu ! Aujourd’hui, il a 21 ans et jouit toujours d’une récupération extraordinaire…» me raconte t’il.

Le travail paie finalement…

Freddy continue actuellement sa formation avec André Wynants dans les installations de celui-ci. Ce dernier fut plusieurs fois champion de Belgique et est une des chevilles ouvrières du concours d’attelage d’Aywaille : « j’apprécie de travailler le dressage avec André pour la précision et l’exigence que cette discipline suscite. J’ai toujours eu moins d’affinité avec le marathon ».

Ensemble, ils préparent les concours nationaux parmi lesquels Freddy a été champion de Belgique catégorie trait en 2019 avec sa jument F2 Kaméllia de Champs la Rivière.

« Cette victoire n’eut été possible sans la précieuse collaboration de ma fille Eloïse, qui est une véritable stratège dans le choix des parcours de marathon ».

« Eloïse est également une passionnée, elle termine actuellement une formation d’hippothérapeute à l’UCL. Elle monte et attelle Happy du Sausset, étalon F1 avec lequel elle met en pratique l’hippothérapie ».

Freddy, tu restes un fervent défenseur des Arattels. Pourquoi ?

C’est l’épreuve de dressage que Freddy affectionne le plus…

« Je suis un adepte du croisement avec le pur-sang arabe. De tout temps, l’arabe a été améliorateur de nombreuses races. J’aime le croisement Arattel pour l’attelage, surtout le F2 et le F1. Ils sont très courageux, d’un allant naturel, très endurants, avec une bonne bouche. Ils peuvent être très paisibles et aussi très rapides. Ils sont donc polyvalents, de la monte aux concours d’attelage catégorie Trait ».

« Le F3 est pour moi un bon cheval, que je destinerais plutôt pour la traction de grosses charges, tels les chars à bancs ».

« A mon sens, la finalité du protocole de croisement du Studbook devrait être le F2 part-arabe et le F1 part-cob, ceci afin de concurrencer l’importation massive de chevaux étrangers ».

Parle-nous de ta participation aux Routes d’attelage.

« Ma première route fut une Route du Poisson, avec Jacky Bouard dans l’équipe des Ardennais Français en 2008. Ensuite avec Mathy Olivier, j’ai fait partie de l’équipe « Euro-Traits » en Bourgogne 2009 et Levier 2010. Avec mon équipe actuelle, les Ardennais Belges, j’ai fait 3 Routes du Luxembourg, la dernière Route du Poisson en 2012, ainsi que les Rencontres de Rambouillet ».

Chez les Ardennais belges.

Équipe des Ardennais Belges a laquelle Freddy participe depuis quelques années et en est un pion majeur par la qualité de ses chevaux…

« C’est une équipe qui me convient, en tant qu’éleveur de chevaux Ardennais.  Elle est conviviale, avec une intendance hors pair… C’est très appréciable. C’est une équipe active mais aussi une excellente ambassadrice du cheval de trait Ardennais, en tant que cheval monté et attelé ».

Quel est ton meilleur souvenir ?

« Mon meilleur souvenir en individuel, c’est bien sûr le Championnat de Belgique 2019. En équipe, ce sont toutes les Routes, surtout ma 1ère Route du Poisson en 2008 ».

Parle-moi un peu de tes récents engagements.

« Je fais partie du GHS (Groupement Hippique du Sud). Personnellement, je souhaiterais y proposer d’organiser des stages d’attelages pour débutants. Je pense que dans notre province l’attelage devrait être plus soutenu, et ce serait une bonne opportunité de sensibiliser les nombreux cavaliers à une nouvelle discipline équestre. Pour les meneurs plus expérimentés, on pourrait organiser des stages de dressage ; ce serait du gagnant-gagnant pour le cheval et le meneur ».

« J’ai été, il y a peu, invité à rejoindre l’équipe nationale d’attelage de la LEWB, où nous sommes actuellement coachés par Mr. Patrick Buytaert et Mr. Gérard Leyten. Ceci en vue de préparer les concours nationaux, belges et étrangers, et le mondial de 2022. Pour participer à ce niveau, j’ai dû acheter un cheval de sport, mais quand même avec 50% d’arattel ! Les chevaux de Traits ne sont en fait pas repris au niveau professionnel ».

As-tu une passion en dehors de ton métier et des chevaux ?

« J’aime le vélo de route, mais cela devient de plus en plus dangereux sur les routes, alors je m’essaie au VTT ».

« Depuis le décès de mon père qui en jouait, je débute l’accordéon…une nouvelle passion. D’ailleurs mes filles aussi s’y sont mises »… (large sourire…)

« J’aime par ailleurs la nature, la promenade. J’aime aussi la gastronomie, le bon vin et bien entendu un bon Orval ! , hahaha !

Quelques noms de chevaux de l’élevage de Champs la Rivière : Kaméllia, Gaïsha, Garou, Kouros, Lorient, Origan, Nouchka, Kriska, Judith, Lemon…

Merci Freddy pour ce bon moment de partage.

A Champs, ce 18 mars 2021, Patrick BERT